EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE
VERBUM DOMINI 

DU PAPE BENOÎT XVI 
SUR LA PAROLE DE DIEU
DANS LA VIE ET DANS LA MISSION DE L'EGLISE

La liturgie, lieu privilégié de la Parole de Dieu

La Parole de Dieu dans la sainte liturgie

52.  Chaque action liturgique est par nature nourrie par les Saintes Écritures : «dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture est de la plus grande importance. C’est d’elle que sont tirés les textes qui sont lus et qui sont expliqués dans l’homélie; et c’est sous son inspiration et sous son impulsion que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont pris naissance et c’est d’elle que les actions et les symboles reçoivent leur signification». Mieux encore, on doit dire que c’est le Christ lui-même qui «est là présent dans sa Parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l’Église les Saintes Écritures».  L’Église a toujours été consciente que durant l’action liturgique, la Parole de Dieu est accompagnée par l’action intime de l’Esprit Saint qui la rend efficace dans les cœurs des fidèles.  Ici, se manifeste la sage pédagogie de l’Église qui proclame et écoute la Sainte Écriture en suivant le rythme de l’année liturgique. 

La Sainte Écriture et les Sacrements

53. «La liturgie de la Parole est un élément décisif dans la célébration de chacun des Sacrements de l’Église»; néanmoins, dans l’action pastorale, les fidèles ne sont pas toujours conscients de ce lien et ne perçoivent pas toujours l’unité entre le geste et la parole. Dans l’histoire du salut en effet, il n’existe pas de séparation entre ce que Dieu dit et fait. 

La Parole de Dieu et l’Eucharistie

54. D’ailleurs, l’unité intime entre la Parole et l’Eucharistie se base sur le témoignage scripturaire (cf. Jn 6; Lc 24). À ce sujet, nous pensons au grand discours de Jésus sur le pain de vie (cf. Jn 6, 22-69), qui est sous-tendu par la comparaison entre Moïse et Jésus, entre celui qui s’est entretenu avec Dieu face à face (cf. Ex 33, 11) et celui qui révéla Dieu (cf. Jn 1, 18). De cette manière, est manifesté dans le Mystère de l’Eucharistie quelle est la vraie manne, le vrai pain du ciel: le Logos de Dieu qui s’est fait chair, et qui s’est offert lui-même pour nous dans le Mystère pascal. Le récit d’Emmaüs nous permet de progresser dans la réflexion sur le lien entre la Parole et la fraction du pain (cf. Lc 24, 13-35). Jésus, «il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait» (24, 27). Les deux disciples commencent à scruter d’une manière nouvelle les Écritures. L’Évangile de Luc nous dit que «leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent» (24, 31), seulement quand Jésus prit le pain et le leur donna, alors qu’auparavant, «leurs yeux étaient aveuglés et ils ne le reconnaissaient pas» (24, 16). 

55. La Parole et l’Eucharistie sont corrélées intimement au point de ne pouvoir être comprises l’une sans l’autre: la Parole de Dieu se fait chair sacramentelle dans l’événement eucharistique. En effet, sans la reconnaissance de la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie, l’intelligence de l’Écriture demeure incomplète. 

La sacramentalité de la Parole

56. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration (eucharistique) implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous pour être écouté. Saint Jérôme affirme: «Je pense que l’Évangile est le Corps du Christ; je pense que les Saintes Écritures sont son enseignement. Quand nous nous référons au Mystère [eucharistique] et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles et nous, nous pensons à autre chose».

La Sainte Écriture et le Lectionnaire

57. La structure actuelle (du lectionaire), en plus de présenter fréquemment les textes les plus importants de l’Écriture, favorise la compréhension de l’unité du dessein divin, à travers les lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament. 

Proclamation de la Parole et ministère du lectorat

58. Comme on le sait, tandis que l’Évangile est proclamé par le prêtre ou le diacre, la première et la seconde lectures sont proclamées par le lecteur choisi, homme ou femme. Il est nécessaire que les lecteurs chargés d’un tel service, même s’ils n’ont pas été institués, soient vraiment aptes et préparés avec soin. Une telle préparation doit être aussi bien biblique et liturgique que technique.

L’importance de l’homélie

59. L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie. On doit éviter les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique. Il doit être clair pour les fidèles que ce qui tient au cœur du prédicateur, c’est de montrer le Christ, sur lequel l’homélie est centrée. L’Assemblée synodale a exhorté à considérer les questions suivantes: «Que disent les lectures proclamées? Que me disent-elles à moi personnellement? Que dois-je dire à la communauté, en tenant compte de sa situation concrète?». Comme le dit Saint Augustin: «qui prêche extérieurement la Parole de Dieu et ne l’écoute pas intérieurement ne peut pas porter du fruit».

60. Comme nous le rappelle saint Jérôme, la prédication doit enfin être accompagnée par le témoignage de sa propre vie: «Que tes actions ne trahissent pas tes paroles, pour qu’il n’advienne pas que, quand tu prêches dans l’église, quelqu’un commente intérieurement: “Pourquoi donc n’agis-tu pas toi-même ainsi?”».

La lecture orante de la Sainte Écriture et la ‘Lectio divina’

86. La Parole de Dieu est, en effet, à la base de toute spiritualité chrétienne authentique. Comme le dit saint Augustin: «Ta prière est ta parole adressée à Dieu. Quand tu lis, c’est Dieu qui te parle; quand tu pries, c’est toi qui parles avec Dieu». Toutefois, à ce propos, il faut éviter le risque d’une approche individualiste, en se rappelant que la Parole de Dieu nous est précisément donnée pour construire la communion. C’est une Parole qui s’adresse à chacun personnellement, mais c’est aussi une Parole qui construit la communauté, qui construit l’Église. 

87. Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales: elle s’ouvre par la lecture du texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son contenu: que dit en soi le texte biblique? S’en suit la méditation  qui pose la question suivante: que nous dit le texte biblique? Ici, chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser remettre en question. L’on arrive ainsi à la prière qui suppose cette autre question: que disons-nous au Seigneur en réponse à sa Parole? Enfin, la contemplation, au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que lui pour juger la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de l’esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il? Il est bon, de rappeler que la Lectio divina ne s’achève pas tant qu’elle ne débouche pas dans l’action.